Exemples d'indicateurs alternatifs

Bien que le Jour du Dépassement nous renseigne sur les limites de la capacité de la Terre à soutenir la consommation humaine, cet indicateur présente un certain nombre de limites, notamment du point de vue de l’interprétation et de la méthodologie. Bien que cet outil soit utile pour sensibiliser l’opinion publique, il ne permet pas aux individus et aux décideurs de s’engager dans des actions concrètes pour réduire l’empreinte écologique mondiale.

De plus, il apparaît que le Jour du Dépassement a tendance à sous-estimer l’impact humain sur l’environnement (Fact, n.d.). En effet, cette métrique ne prend pas en compte certains aspects de l’activité humaine, comme la déforestation.

Dans cette section, nous comparons le Jour du Dépassement à d’autres indicateurs alternatifs qui mesurent également le niveau de surconsommation :

  • le déficit écologique ;
  • l’empreinte carbone.

Nous traitons également l’état des lieux actuels de la mesure de la surproduction, qui peut être considérée comme une cause de la surconsommation.

Mesure du déficit écologique

Une première mesure alternative au Jour du Dépassement est celle du déficit écologique. Cette dernière se calcule grâce à la base de données fournies par le Global Footprint Network, et sa méthodologie ressemble à celle du Jour du Dépassement par pays :

Grâce à cela, nous pouvons finalement calculer l’empreinte écologique moyenne par habitant d’un pays (en nombre de planètes):

\[ D_{ratio} = \frac{E_{parHab}}{B_{pays,\,parHab}}\cdot 100 \]

où :

  • $D_{ratio}$ est le déficit écologique d’un pays donné ;
  • $E_{parHab}$ est l’empreinte écologique moyenne d’un habitant d’un pays donné exprimée en hectares globaux ;
  • $B_{pays,\,parHab}$ est la biocapacité moyenne d’un habitant du pays sélectionné exprimée en hectares globaux.

Si $D_{ratio}<100$, le pays choisi consomme moins que ce qu’il peut produire, alors que si $D_{ratio}>100$, le pays sélectionné consomme plus que ce qu’il peut produire en un an.

Par rapport au Jour du Dépassement par pays, le déficit écologique met encore plus l’accent sur les déséquilibres régionaux. En effet, il permet de quantifier une dette écologique non seulement vis-à-vis de la planète, mais également entre les différents pays. Ainsi, il permet de souligner la dette des pays les plus développés envers les pays les moins développés (Srinivasan et al., 2008) ou envers les générations futures.

Tout comme pour le Jour du Dépassement, nous observons une tendance mondiale d’augmentation du déficit par pays, avec de fortes inégalités entre les pays les plus développés et le reste du monde.

Evolution du déficit écologique (en %) par pays entre 1961 et 2022

Mesure de l’empreinte carbone

L’empreinte carbone est une mesure de l’impact total des activités humaines sur le climat en termes de quantité de gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère, comme le dioxyde de carbone. Cette métrique est exprimée en équivalent dioxyde de carbone (CO2e), une unité qui convertit l’impact de différents gaz à effet de serre en un poids équivalent de CO2. Ceci permet ainsi une comparaison standardisée entre les différents types d’émission.

L’empreinte carbone est utilisée dans le calcul du Jour du Dépassement, mais est également combinée avec des indicateurs d’exploitation du territoire dans l’équation finale. Contrairement au Jour du Dépassement, bien que l’empreinte carbone offre une mesure directe et compréhensible de l’impact écologique d’une activité, elle ne couvre pas tous les aspects de l’impact environnemental.

Grâce à sa mesurabilité, cette métrique est utilisée par les entreprises pour estimer leurs propres contributions au changement climatique (Matthews et al., 2008). Cette donnée est néanmoins à utiliser avec précaution, car les émissions directes, utilisées comme KPIs par les institutions, ne représentent parfois qu’une petite partie des émissions totales. Les émissions indirectes en amont et en aval des chaînes d’approvisionnement peuvent donc être laissées de côté.​​

Mesure de la surproduction

Selon Sophie Dubuisson-Quellier, avec qui nous avons pu avoir un entretien, la mesure idéale de la surconsommation serait plutôt une mesure de la surproduction. En effet, le premier pas vers la sobriété énergétique est de ne pas produire plus que ce que l’on consomme. Malheureusement, il n’existe à ce jour pas d’indicateur suffisamment détaillé accessible au grand public.

En ce qui concerne le gaspillage mondial d’énergie, nous n’avons pas réussi à trouver de sources gouvernementales fiables. Seules quelques données sont accessibles pour certains secteurs d’activité comme le textile pour l’agro-alimentaire. En effet, le gouvernement français utilise les chiffres du gaspillage alimentaire comme outils d’évaluation de la loi anti-gaspillage (Gaspillage Alimentaire — Ecologie.gouv.fr, 2023). Cependant, ces chiffres ne sont pas publiés tous les ans, et sont donc davantage utilisés comme outils de pouvoir que comme outils de sensibilisation publique.

Bien qu’il n’existe pas encore de mesure pour sensibiliser au gaspillage, les gouvernements ont à leur disposition d’autres outils chiffrés pour inciter les consommateurs à acheter des produits plus durables. Une manière de réduire leur empreinte écologique pourrait être par exemple de leur faire utiliser des appareils électriques ayant une plus grande durée de vie. Pour lutter contre l’obsolescence programmée, le gouvernement français mettra en place à partir de 2024 un indice de réparabilité et de fiabilité pour chaque produit (Bigot, n.d.). L’indice de réparabilité incite ainsi les consommateurs à faire réparer leurs appareils plutôt que de les remplacer. Sur le long terme, la diffusion de produits plus durables impliquera donc a fortiori une baisse de la consommation de ressources naturelles en raison d’un taux de remplacement plus bas.

Bibliographie

  1. Fact, S. A. Earth Overshoot Day May Seriously Underestimate Humanity’s Ecological Footprint — sciencealert.com. https://www.sciencealert.com/earth-overshoot-day-may-seriously-underestimate-humanity-s-ecological-footprint
  2. Srinivasan, U. T., Carey, S. P., Hallstein, E., Higgins, P. A. T., Kerr, A. C., Koteen, L. E., Smith, A. B., Watson, R., Harte, J., & Norgaard, R. B. (2008). The debt of nations and the distribution of ecological impacts from human activities. Proceedings of the National Academy of Sciences, 105(5), 1768–1773. https://doi.org/10.1073/pnas.0709562104
  3. Matthews, H. S., Hendrickson, C. T., & Weber, C. L. (2008). The Importance of Carbon Footprint Estimation Boundaries. Environmental Science &Amp; Technology, 42(16), 5839–5842. https://doi.org/10.1021/es703112w
  4. Gaspillage alimentaire — ecologie.gouv.fr. (2023). https://www.ecologie.gouv.fr/gaspillage-alimentaire
  5. Bigot, J. L’indice de réparabilité 2.0 bascule vers la durabilité — lesechos.fr. https://www.lesechos.fr/thema/articles/lindice-de-reparabilite-20-bascule-vers-la-durabilite-1978944